Terre à ciel - 19/07/2014
Le Citronnier, Samantha Barendson, Le pédalo ivre
Attention ! Coup de cœur pour ce recueil de Samantha Barendson ! Le Citronnier : ce père en cendres sur lesquelles pousse l’arbre en Argentine. Un père dont je ne me souviens de rien confie Samantha Barendson. Un père desaparecido. Elle avait vingt-quatre mois. Je ne trouve pas la moindre miette de souvenir au fond de ma tête encombrée de détails. Elle tente de recoller les morceaux, de reconstituer l’histoire paternelle à travers photos, objets, lettres, sa voix enregistrée et ce que son entourage a bien voulu lui raconter. Elle idéalise ce père, imagine son passé, pense à tout ce qu’ils auraient pu faire ensemble, mène une véritable quête. Pourtant, il reste peu de choses de ce père pas de quoi remplir une valise, pas de quoi remplir une page, et pourtant c’est un recueil de près de 70 pages. L’auteur dresse des listes, fouille au fond de sa mémoire, utilise quelques mots d’espagnol pour parler de son père italien. Elle ne le tutoie jamais, sauf pour lui dire tu fais chier papa, phrase qui revient de temps en temps, surtout lorsque le recueil se clôt sur un lourd secret. Sa poésie est touchante avec pointe d’humour et fraîcheur. Un recueil à mon avis très réussi, bien articulé autour de la réflexion sur le manque de figure paternelle et dont la chute est inattendue.
Il est planté là, au milieu du jardin de ma grand-mère, à Recoleta, un barrio chic résidentiel de Buenos Aires. Les touristes envahissent le quartier à cause du cimetière, ils viennent voir les tombes des écrivains, des présidents, des sportifs, des célébrités enterrées. Lui, Il ne dort pas au cimetière de Recoleta, il ne dort plus entre les pierres, il ne dort plus du tout, il pousse, au milieu du jardin de ma grand-mère, il est devenu grand et vert et parfois il fleurit ou donne des fruits, mon papa-citronnier enraciné à la terre de Buenos Aires, loin de moi, de l’autre côté de l’eau, sur l’autre hémisphère. Que deviendra mon arbre paternel quand la grand-mère ne sera plus ? Le jardin sera-t-il vendu et la terre construite de béton, de rêves immobiliers ? Vont-ils m’ôter mes restes arboricoles, mes dernières feuilles ?
Cécile Guivarch