Terre à ciel - 01/01/2020
Samantha Barendson, Tu m’aimes-tu ? Le chat polaire, 2019
Par Valérie Canat de Chizy
Samantha Barendson aime parcourir les distances, traverser l’océan atlantique. Dans ce recueil, elle aborde avec mélancolie le souvenir de son voyage au Québec et en Acadie, où elle s’est rendue à l’occasion du festival de poésie des Trois-Rivières, auquel elle a été invitée.
Un
Ce qui l’attire, c’est de traverser les frontières, partir loin, faire fi des décalages horaires, glisser entre les continents, ne pas se limiter à l’espace qui l’entoure. L’ailleurs est un appel, comme le chant des sirènes, il vient tarauder le désir. Cette première partie nous entraîne dans un road movie au rythme du désir d’ailleurs, désir clandestin / de monter à bord / et continuer à fuir.
Fuir pour combler un vide, aller chercher ailleurs d’autres nourritures. Au moment du départ, les annonces microphoniques, les destinations qui s’affichent sur le tableau, les doutes.
À bord du train
j’avance dans une pluie
rapide et horizontale
Les gouttes en transparence
dessinent les chemins éphémères
les racines intimes
d’une cartographie humide
comme oubliée.
Deux
Le voyage du retour se fait au rythme des souvenirs et de la mélancolie, par la vitre du train, les paysages défilent, dans le bruit sourd régulier d’une progression, tandis que s’efface ce qui a été lors de ce voyage. Les images de ce qui a été laissé derrière soi reviennent, de même que les moments vécus, qui ne reviendront plus. Les images immédiates alternent avec les souvenirs, flashs qui se succèdent. Les nuits d’insomnie dans le train du retour sont martelées par le tatactatoum, sont traversées de visions, bercées par la mélancolie.
Trois
Dans cette partie sont relatés la rencontre, l’attrait, le désir, tous les menus faits de cette histoire d’amour, ici révélée, revivifiée, abrupte, vivace. De la rencontre à la séparation, l’intensité des étreintes et des morsures du rouge sont évoqués comme pour mieux s’en imprégner, comme pour mieux les revivre, les garder intacts, tatouages indélébiles.
Quatre
Les derniers jours à Montréal avant le retour, les dernières nuits à l’hôtel dans le grand lit vide et blanc, la distance qui sépare, les mots murmurés au téléphone, et cette phrase, redondante : Tu m’aimes-tu ?
Mon regard capte
des secondes de vie
lointaines déjà
lumières des maisons
où cuisinent
parlent
se disputent
et regardent la télé
des hommes
des femmes
et des enfants qui
quand passent les trains
avec leurs fenêtres
de lumières bleutées
perçoivent à leur tour
mes secondes de vie
lointaine déjà