Ce court livre, d'à peine 70 pages, écrit par une jeune femme, Samantha Barendson, « un peu argentine, un peu française, un peu italienne », édité au Pédalo ivre (maison d'édition associative basée à Lyon) est conçu comme un ensemble de fragments, chacun ne dépassant pas une page.
Véritable poème en prose, il se lit comme un roman, raconte une histoire, une histoire à caractère autobiographique, sensible , empreinte de douceur, de gravité mais aussi de fantaisie qui, l'air de rien, avec une simplicité remarquable, très entraînante, une économie de mots, mais des plus justes, pénètre le lecteur, fait frissonner son corps, emplit son cœur et son âme d'un sentiment de bonheur fugace mais si intense et irrésistible, qu'aussitôt la lecture achevée, le lecteur y retourne immédiatement et prolonge ainsi l'instant lumineux une seconde fois. A ce moment-là, c'est peut-être plus magnifique encore. Osez ! C'est si beau.
"Ces vingt-quatre mois de vie commune ont été suivi de vingt-quatre ans de silence".
Moins d'une heure de votre temps pour entreprendre ce voyage intime, presque initiatique, d'une enfant puis d'une femme en quête d'un père qu'elle n'a pas connu, dont elle n'a même aucun souvenir mais qu'elle cherche à imaginer, à entendre, à rêver, avec qui elle converse en aller simple, dont elle voudrait façonner une vie pour donner plus de sens à la sienne, combler l'absence, comprendre l'héritage qui lui revient, trouver la ressemblance qui les lie. Et vous voilà attaché, à votre tour, empreint d'une tendresse immense pour cette histoire de vie.
"Deux ans de vie commune, vingt-quatre mois disparus dans le néant, l'oubli, le vent".
Moins d'une heure de votre temps pour respirer l'odeur du citronnier, la figure paternelle désormais, qui pousse dans le jardin de la grand-mère, quelque part en Argentine ; c'est tellement peu que le manque s'installe aussitôt, à l'image de celui de la narratrice, vif, un peu triste et douloureux mais bienfaisant tout à la fois.
"Il avait 32 ans. (Pas même l'âge du Christ)"
Moins d'une heure de votre temps pour faire taire le silence, ouvrir la malle des objets qui sont restés, six photos, un chat, douze verres qu'elle craint de briser, un enregistrement sonore puis les brefs récits d'une tante, d'une grand-mère , tout cela bouleverse tant, qu'il est préférable, en effet, de ne pas trop s'attarder pour ne pas pleurer mais quel tumulte, quelle agitation en vous.
Moins d'une heure de votre temps pour entendre résonner, discrètement, les bottes de l'armée d'une dictature lointaine et floue, pour ressentir la faim d'un jeune couple installé désormais en Espagne, l'instabilité d'un jeune homme ordinaire puis, subrepticement voir apparaître l'image d'un hôtel miteux de Bariloche, lieu de la tragédie.
Tant d'épreuves effleurées, livrées pudiquement, sans dureté ni révolte, apaisées par le rythme léger, la tonalité sensible ; dépositaires incroyables d'une joie mêlée de frissons tellement profitable qu'elle pourrait durer davantage encore.
Moins d'une heure de votre temps, pour suivre une enquête intime, "traverser la flaque", découvrir un secret de famille, une révélation inattendue, être frappé d'étonnement ; cela semble si court, trop court même. Pourtant cette brièveté percute, touche en plein cœur, sans bavures. Avec une précision exacte. Bouleversante.
Puisse cette écriture s'en aller ailleurs, vers d'autres livres…
Moins d'une heure de votre temps pour être convaincu, sans hésiter, que Samantha Barendson est un écrivain à part entière. A découvrir absolument.
Ne perdez plus de temps, lisez-là.